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Le parfum de Dorothée Berryman envoûte le public de la «La Ménagerie de verre»

Pour accéder à la salle intime du Théâtre Prospero, il faut descendre un escalier sombre et étroit, lequel débouche sur une porte noire. En la traversant, nous franchissons, sans le savoir, le seuil de l’appartement des Wingfield, famille vedette de la pièce «La Ménagerie de verre», texte à saveur autobiographique qui a rendu célèbre dans les années 40, le dramaturge américain Tennessee Williams
 
L’atmosphère est chargée dans ce lieu tamisé et les spectateurs discutent en attendant le début du spectacle. C’est alors qu’au sein même du public, un homme se met à parler plus fort que la rumeur générale, forçant l’assistance à se taire: Tom Wingfield, le frère de Laura Wingfield et le fils d’Amanda Wingfield entame le récit de cette famille brisée, la sienne.
 
La salle prend soudainement tout son sens: privée, familière, propice à la confidence. Le lustre de cristal s’illumine, la dînette s’anime, l’appartement vit et nous voilà projetés dans les années 30, en pleine crise économique. Seul pourvoyeur de la maisonnée (le père ayant fui le nid, il y a plusieurs années, en abandonnant femme et enfants), Tom étouffe, coincé entre une mère nostalgique d’une jeunesse passée et une sœur infirme d’une timidité maladive qu’il adore. La première partie de la pièce dresse le portrait du quotidien hors réalité de cette famille atypique, de laquelle chacun tente de s’échapper. Laura avec sa ménagerie de verre, Amanda en ressassant son amour brisé et Tom, ses rêves d’ailleurs.
 
Jusqu’au jour où Amanda demande à son fils d’inviter Jim O'Connor, son collègue d’usine, dans l’espoir de l’unir à Laura et d’offrir ainsi un mieux-vivre à la famille. Les choses ne se passeront pas tout à fait comme prévu…
 
Dorothée Berryman incarne avec brio cette mère excentrique et autoritaire, qui tente désespérément de sauver les meubles et témoigne, pendant ces deux heures sur scène, de toute l’étendue de son talent. Par moment, elle porte littéralement la pièce. Fragile et délicate, comme les animaux de sa ménagerie de verre, Enrica Boucher émeut par son jeu tout en intériorité et son ton si juste, alors que Yan Rompré (également metteur en scène), détonne et agace dans son personnage de jeune homme fringant trop souriant. Il en fait trop et sonne faux. Tom, joué par Philippe Cousineau est quant à lui totalement habité par son personnage. Il est précis et entier. Authentique.
 
Appuyée par un décor minimaliste et un jeu d’éclairage intimiste, la scénographie est réussie et nous transporte réellement dans les années 30. Or, les allers-retours entre les accents québécois pure laine d'antan, ceux d’aujourd’hui et le français international, nous déroutent quelque peu. Mais dans l’ensemble une performance théâtrale envoûtante, comme le parfum de Dorothée Berryman que l’on hume tout au long de la pièce, comme le nuage d’un souvenir flottant.
 
 
 La Ménagerie de verre – du 14 janvier au 1er février 2014 – Théâtre Prospero –
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