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Léa Seydoux et Adèle Exarchopoulos nous racontent comment elles ont survécu à «La Vie d’Adèle»
Crédit: Pour Seydoux et Exarchopoulos, le film «La Vie d'Adèle» a été une histoire de rencontres. Quand la beauté d'un film rend les polémiques désuètes.

Parfois, il faut croire la rumeur. Et celle qui entoure La Vie d'Adèle, la Palme d'Or du printemps dernier accordée à Abdellatif Kechiche et aux deux comédiennes Léa Seydoux et Adèle Exarchopoulos, est impressionnante. Les critiques de cinéma, de fines bouches réputées pour leurs exigences, ont réservé des qualificatifs de taille à ce long métrage de trois heures. On parle de chef d'oeuvre, d'un réalisateur génial et d'une foule d'adverbes plus renversants les uns que les autres. Bien que les compliments gonflent les attentes, La Vie d'Adèle les comble et poursuit le style de Kechiche entrevu dans L'Esquive et La graine et le mulet. L'histoire d'amour entre deux filles (ou plutôt entre deux êtres humains) peut sembler banale, mais son réalisme, son désir de tout montrer sans pudeur et la densité de sa charge émotive nous saisit, nous émeut, nous chamboule. La Vie d'Adèle est un film qui marque. Car ce qu'Adèle vit, on le vit aussi.

Mais il y a aussi une autre rumeur dont il faut parfois oublier. Évidemment, les ragots éveillent toutes sortes d'envies, alimentent le voyeur en nous. Mais à la rencontre de Léa Seydoux et d'Adèle Exarchopoulos (un nom à apprendre par cœur), NIGHTLIFE.CA a préféré en savoir plus sur le film que sur les liens manifestement brisés au sein du clan Kechiche. Dans une entrevue au Daily Beast accordée le 1er septembre, les deux jolies filles ont déploré les conditions extrêmement difficiles du tournage (ce que les techniciens avaient fait lors de l'obtention de la Palme à Cannes). Elles laissaient même entendre qu'elles ne travailleraient plus avec le réalisateur français. Kechiche a, à son tour, exposé les liens familiaux de Léa Seydoux dont le grand-père est le président de Pathé, imposante entreprise de distribution et de production cinématographique européenne. Au lendemain de la première au cinéma Impérial à Montréal, une rencontre en duo avec les deux actrices a laissé place à une entrevue réalisée en solo. Adèle au café, Léa dans une chambre du Sofitel. Une entrevue avec deux comédiennes qui font la lumière sur un film imposant et qui admettent volontiers – hors micro – être tombées sous le charme de… Montréal.

La vie d'Adèle, c'est l'histoire d'une rencontre qui transforme une vie. Comment vivez-vous la première rencontre avec ce film, avec un scénario?
Léa Seydoux: Il y a d'abord un coup de téléphone d'Abdellatif Kechiche qui exprime un désir de me rencontrer. J'étais enchantée, surtout qu'il est connu pour son travail avec des jeunes comédiens et comédiennes. C'était donc quelque chose de nouveau pour lui. Je devais lire la bande dessinée avant notre rencontre afin de savoir si j'avais envie de cette aventure. Après la première rencontre, c'est un investissement, c'est au jour le jour, c'est passer beaucoup de temps avec lui. Abdel n'est pas un metteur en scène ordinaire. Il ne donne pas de scénario d'un film déjà écrit. Il valorise l'improvisation et donc, on ne sait pas ce que tout ça va donner. La colonne vertébrale, c'était cette bande dessinée qu'il a adaptée très librement.

Quelle est la part du scénario de départ et la part d'improvisation dans le film?
Adèle Exarchopoulos: Kechiche nous amenait les scènes chaque matin. Il tenait parfois à certains éléments, comme la signification du nom d'Adèle qui veut dire justice en arabe. On peut dire des choses maladroites quand on rencontre quelqu'un pour cultiver la conversation avec des choses bidons. Abdel donne des indications et après, tu improvises. Il te dirige, te pointe les éléments à retenir de l'improvisation. Il oriente le jeu. Il parle même durant les scènes. Oui, tu peux garder tes propres mots, mais Abdel te nourrit énormément sur la vie de ton personnage. On fait les scènes plusieurs fois car il cherche à ce que l'on soit dans un état inconscient afin de ne pas avoir conscience d'Adèle, du personnage, de la caméra, du film, de Léa Seydoux. Il me disait: « Regarde la femme qui est devant toi, vis le moment. »

Il y a la rencontre avec votre personnage. Qu'est-ce qui vous a séduite?
Léa: Pour moi, c'est essentiel d'être séduite par son personnage. Je préfère même les petits rôles séduisants qu'un grand rôle vide. Et puis, il y avait le rêve de travailler pour Abdellatif Kechiche. En France, on peut difficilement rêver de mieux, J'étais prête pour le challenge, pour la transformation physique, de casser cette image glamour que je peux avoir. C'est toujours, comme comédienne, cette idée d'aller voir ailleurs pour voir si on y est toujours. Et vraiment là, je me suis demandée tout le long si j'étais capable de le faire. J'aimais l'idée d'incarner une personne engagée, un personnage qui me permet même une renaissance comme actrice.

Adèle: C'est la passion brûlante d'Abdellatif Kechiche qui m'a séduite. Comme comédienne, tu as envie de donner. Quand je suis arrivée au tournage, Léa parlait beaucoup de la préparation de son personnage, qu'elle s'était nourrie de James Dean pour avoir une attitude de boy. Elle était le pôle masculin de cette histoire. Et je me suis dit, « putain Adèle, toi, t'as rien préparé. Tu joues une jeune fille qui découvre tout, qui a faim, qui a soif, qui est poétique, qui est douce, qui est aussi sauvage et sensuelle. OK, tu sais ça, mais qu'est-ce que t'as préparé? » J'ai explosé en larmes. J'ai dis Abdel, je suis désolée, je veux pas te décevoir. Il m'a répondu, « t'inquiète pas, tout ça, c'est pas grave, c'est cérébral, et toi, tu vas le faire instinctivement.» Au final, on arrive au même résultat. Léa donnait autant que je lui donnais. C'était un vrai ping pong.

Il y a une rencontre avec une comédienne avec laquelle on doit jouer une histoire d'amour passionnelle. Est-ce qu'on appréhende le choix que le réalisateur a fait? Comment crée-t-on un lien rapidement avec l'autre?
Léa: Quand j'ai vu Adèle, j'ai compris que Kechiche allait se faire sa propre histoire. Adèle ne ressemblait pas du tout à la Clémentine de la bande dessinée. J'ai trouvé ça génial.

Adèle: Je ne connaissais pas Léa évidemment. Je me suis dit, « tu joues une passion, ne te mets pas la pression d'être amie. Si ça ne marche pas, t'es au travail, c'est tout. » Au final, c'était comme une évidence. La première scène que nous avons jouée, c'était une scène d'amour, celle où je rêve et qu'elle vient dans mes rêves me faire l'amour. On s'était dit bonjour vingt minutes avant, et ensuite on s'est retrouvé à poil à s'embrasser. On a vite développé une complicité. J'ai une relation très spéciale avec Léa. Je ne connais pas sa vie, c'est en terme de relation que je parle. Je peux te la décrire à poil les yeux fermés, je connais ses faiblesses, je connais ses forces. En même temps, Léa capture un mystère qui est insaisissable. Au delà du mystère de la comédienne qu'elle sait cultiver, Léa a une petite boîte dans laquelle elle a plein de secrets. Je ne suis pas certaine qu'elle est consciente de tous ces secrets-là. Ça fait d'elle une personne intrigante.

Il y a une rencontre émotive, mais aussi une rencontre physique. Vous participez à une scène de sexe de 10 minutes dans ce film. Comme on s'y prépare?
Adèle: On se fait confiance. C'était plus facile que ce soit une fille comme moi car elle a les mêmes appréhensions. Mêmes les complexes se ressemblent. Il fallait s'abandonner et se dire que c'était un jeu. Elle tenait les rênes et moi, je découvrais, car mon personnage découvre. Au début, c'était agréable de tourner ces scènes, mais quand tu filmes pendant 10 jours des scènes de sexe, tu te trouves déstabilisée et tu as le goût de te rhabiller. Mais ce n'était pas une surprise, ces scènes étaient fortes et très explicites. On les avait lues dans la bande dessinée.

Comment se vit la rencontre avec le public, les journalistes et une polémique qui maintenant vous précède?
Adèle: J'ai 19 ans. J'apprends que l'on ne doit pas toujours faire confiance aux journalistes. Des fois, les propos sont amplifiés. Des phrases humoristiques sont parfois tournées de manière dramatique. J'apprends à mieux m'exprimer. Et puis, je suis très fière de ce film.

Léa: Je suis très contente de le défendre, ce film. Et je suis passée au-dessus de la polémique. De toute façon, c'est le film qui passera à l'histoire. Et non ce que l'on en dit.

La Vie d'Adèle Chapitres 1 & 2
À l'affiche dès le 9 octobre

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