Aller au contenu
Le Détesteur: orchestrer sa propre campagne de compassion sur Twitter
Crédit: Une histoire d'espoir bien de chez nous, impliquant une personne souffrante et des célébrités, qui se termine en queue de poisson.

Au printemps dernier, j'ai reçu le message d'une fille. Une lectrice. Elle prétendait être très malade, voire paralysée au lit, et comme elle m'aimait bien, elle m'a demandé que je l'ajoute à ma liste d'amis Facebook. Je n'y voyais aucun inconvénient, puisque c'est basically ce que je fais tous les jours: accepter de nouveaux amis sur FB et être ouvert à l'échange et à la nouveauté. Pour être honnête, je carbure aux likes et j'aime susciter discussions, réactions et débats. Une personne de plus est donc toujours la bienvenue.

Ce que je n'avais pas tout à fait compris encore, c'est qu'elle voulait que la demande d'amitié provienne de moi. Comme un espoir d'obtenir quelque chose de plus officiel qu'une vulgaire connexion sans réciprocité où je n'aurais qu'à cliquer sur le bouton «accepter». Elle me laissait choisir, si oui ou non, je la trouvais suffisamment intéressante pour qu'on devienne amis, des vrais, tout en insistant sur son statut d'hospitalisée, indeed...

On n'est donc pas devenus amis et je n'ai plus entendu parler d'elle, jusqu'à tout récemment. C'est que Véronique Cloutier faisait maintenant campagne pour elle. Son amie (LOL) malade avait un rêve. Non, elle ne souhaitait guère un voyage à Disney, ou de rencontrer One Direction, ni même d'aller chanter pour Benoît XVI. Son réel vœu? Atteindre les 10 000 followers sur Twitter. Rien de moins.

Et elle les a eus, grâce à certaines vedettes qui ont sollicité notre «aide».

Il y a là-dedans, quelque chose de wrong. De très égocentrique, même. Cette jeune femme vient d'outrepasser les limites de ce qu'on peut laisser miroiter à de jeunes gens malades dans les hôpitaux. S'accaparer non pas d'une seule vedette, mais de plusieurs, et de les idolâtrer de façon aléatoire, selon celles qui auront répondu ou pas, à l'appel. Et comble de l'égoïsme, profiter de la maladie pour jouer sur la bonne conscience des gens et prétendre par conséquent que toute personnalité s'engage moralement à se lier d'amitié aux gens qui ont besoin d'un brin d'espoir. Mener à bien sa propre campagne de pitié. Quémander une tribune.

Recevoir 10 000 followers sur twitter, ce n'est pas un rêve qu'on peut offrir comme ça à quiconque. Il faut d'abord les mériter, les entretenir et se faire intéressant. On ne suit pas quelqu'un par pitié, mais par intérêt. Ce qu'il lui aurait fallu, c'est une page d'encouragement sur Facebook, sur laquelle 10 000 personnes (et même plus) auraient pu afficher leur soutien. Parce que là, quel pathétique laxisme, quand on contribue à l'illusion qu'un lit d'hôpital servirait en fait de passe VIP pour accéder au tapis rouge et faire partie de la gang. C'est une honte, ces vedettes qui se taisent, acquiescent, participent et bénéficient d'un pas pire capital de sympathie.

À peine son but atteint qu'elle commençait déjà à grimper son objectif. C'est 12 000 followers qu'elle demandait. Sa communauté l'a apparemment trouvée effrontée puisqu'elle commençait à l'unfollower tranquillement, faute de savoir quoi faire de cette tribune. Désemparée, elle les suppliait de rester, gros chagrin de voir son chiffrier descendre, ce qui eut comme effet de les faire fuir davantage. Aujourd'hui, elle est de retour à la case départ. Quelque 9 000 followers et un «rêve» envolé. Sa bulle éclatée au regard de ceux qui avaient parié sur l'inévitable. Sa campagne se poursuit et stagne. Elle ne demande qu'une seule chose: récupérer les chiffres de la victoire. Et parler avec les vedettes.

Ouf, quand même. Une histoire d'espoir bien de chez nous impliquant une personne souffrante et des célébrités qui se termine en queue de poisson. J'ai tendance à prendre parti pour l'ironie du sort. Toute cause noble n'est pas forcément bonne. En voici la preuve.

Ce n'est pas 10 000 followers que je lui souhaite mais tout plein d'amour de ses proches et des encouragements on ne peut plus sincères.

Je vous déteste.

Plus de contenu