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Critique du film «À perdre la raison» : l’inexplicable horreur

Film belge renversant sur un quotidien qui finit par tuer à petit feu, À perdre la raison met en scène un drame familial où une personne laissée à son désespoir commet l’ultime acte de tuer ses enfants et de rater son suicide (ouin… ça me dit quelque chose). Le film s’ouvre sur une scène de déchirement à l’hôpital où l’on pressent le pire sans savoir comment il est survenu. Puis on retourne dans le passé. Les deux amoureux, Murielle (hallucinante Émilie Dequenne) et Mounir (Tahar Rahim, juste), se parlent d’amour et de mariage. Au cœur de cette relation, un médecin belge, André (Niels Arestrup), sorte de père adoptif de Mounir. Les trois forment un heureux trio…

André les accepte sous son toit et va même jusqu’à embaucher Mounir dans son cabinet de médecin. Il offre en cadeau de mariage une lune de miel à ses frais où la seule condition qu’imposent les jeunes mariés est qu’il soit leur compagnon de voyage. Bref, un vrai ménage à trois réussi, le sexe en moins. Le temps avance et Murielle tombe enceinte… une fois, deux fois, trois fois, quatre fois. Elle enchaîne les grossesses avec peu de répit entre ses accouchements.



Émilie Dequenne et Tahar Rahim dans À perdre la raison

Entre temps, il y a la famille de Mounir qu’on apprend à connaître en surface. On constate l’importance du rôle d’André au sein de la famille. Marié à la sœur de Mounir pour l’obtention de ses papiers, il va arranger un mariage truqué pour le plus jeune de la famille (qui lui, se questionne sur les fondements de la relation Mounir-André). Le jeune couple tente alors de s’éloigner d’André en voulant s’installer au Maroc, pays natal de Mounir. Tentative échouée, André achète une maison au Maroc avec le jeune couple. Murielle se fatigue. Elle doit arrêter d’enseigner. Elle consulte une psychologue qu’André lui suggère. Bref, plus les années avancent, plus l’amour s’éteint. L’ennuyant quotidien ronge le couple. Lui se dit épuisé à force de trop travailler au boulot. Et elle, trop épuisée de travailler sans relâche en gardant les enfants. Sœur éloignée, famille absente, elle trouve son seul réconfort dans la présence de la mère de Mounir, trop souvent éloignée. Murielle tombe dans un laisser-aller où Mounir et André ne feront pas grand-chose pour l’aider, sinon peut-être l’enfoncer un peu plus dans la noirceur, celle qui l’amènera malgré elle à commettre des actes de violence irréparables.

Joachim Lafonse réalise un grand film sur un sujet délicat, librement inspiré d’un fait divers sordide survenu en 2007 en Belgique. La distance qu’il prend pour traiter le drame lui évite de tomber dans un parcours trop manichéen (distance amplifiée par ses cadrages distants des personnages, l’image souvent coupée dans son cadre, du travail sur le hors-champ, etc). L’histoire ne veut pas répondre à nos questions. On ne tente pas d’expliquer ce qui demeure souvent un geste inexplicable. On montre la dépression. On montre comment l’humain peut se perdre, se tromper, aller de l’avant sans s’apercevoir des signaux d’alarme. Il en reste un lourd constat de l’impuissance de l’humain face à un tel drame.

  

À perdre la raison | Maintenant en salles