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Clip: l’un des films les plus bouleversants au FNC dépeint une jeunesse débridée

Dans ce film serbe réalisé par la jeune Maja Milos, on est confronté à une jeune génération qui n'a plus rien à perdre, plus rien à gagner. Le portrait se penche d'abord sur le quotidien de Jasna (intense Isidora Simijonovic), jeune fille vivant avec un père mourant, une mère distante, une soeur trop jeune, mais surtout avec un désir de plaire à celui qu'elle veut comme amoureux, Djordje (le tout aussi intense Vukasin Jasnic). On voit Jasna et sa bande se saoûler, faire une ligne de coke avant d'aller à l'école, saccager cette même école, mais surtout, on approfondit le jeu de la séduction à l'ère des iPhone, Facebook et de ce qui en résulte : le sexe. Facebook est mis de l'avant comme outil servant d'abord et avant tout à diffuser une image de soi en tant qu'objet de désir facile à conquérir (les séries de photos trop suggestives prises par soi-même ou par des amis). On se filme constamment. On diffuse ce que l'on filme pour créer une version plus «glamour» de son quotidien. On se filme en baisant.


Image tirée de Clip, de la réalisatrice serbe Maja Milos

Les pulsions de sexe dirigent les protagonistes de Clip. Le cul, exposé dans tous ces états, est présenté sans censure aucune : pénis en érection, pénétration, éjaculation faciale, sexe anal, jeux de soumission… Mais rarement ce sexe est beau. Il manque de passion, à défaut d'avoir un trop plein d'imagination. Avec une mise en scène maîtrisée, on passe du regard subjectif des ados (caméras iPhone), au regard plus détaché de la réalisatrice. On est impliqué dans les scènes de cul avec ce rapprochement que permet la caméra iPhone. Les détails sont là, exposés en gros plans. On mêle en toile de fond la culture pop omniprésente qui tache l’estime de soi avec des chansons aux propos douteux où la femme se doit d'être soumise pour recevoir du bien de son prince et ce, sans chigner (ouch…).

Plus rien n'a de sens, plus rien ne va
Sinon, les professeurs ayant abandonné leur position d’autorité, on se rend vite compte que l'école n'est plus un lieu d’apprentissage, mais plutôt un lieu de rencontre. Avec la progression du film, on constate l’important fossé creusé entre les générations. Les parents sont présents, mais aucun dialogue ne semble possible avec leurs enfants. Les parents ne les connaissent pas. Plus. Les ados sont laissés à eux-mêmes. L’insouciance des jeunes est le résultat de ce laisser-aller et ils seront les seuls à vivre avec ces conséquences.

Au final, on ressent la critique de la pourriture qu’on dompte sur une jeunesse qui avale tout sans la recracher, jusqu'à écoeurement. On dépeint l’écart générationnel afin de proposer un dialogue. À quelques moments, une sensibilité chez les jeunes est palpable (notamment une scène où Jasna présente, malgré elle, Djordje à ses parents) et révèle cette fragilité de l'adolescence qu'on avait presque oubliée à force de les voir baiser. La finale coup de poing peint l'indifférence de l'autodestruction à son paroxysme. Il n'y a plus de loi, ni barrière. Tout est faisable et on se fout de tout. Un film qui porte à réfléchir, mais qui ne s'adresse pas à n'importe qui. Soutenu par une distribution de jeunes acteurs solides se donnant à la caméra, dans tous les sens du terme, Clip demeure une expérience particulière comme on en vit peu au cinéma. Après, à savoir si le film est génial ou s’il va trop loin… je ne sais toujours pas.

 

Clip
Présenté dans le cadre du FNC
À l'Excentris, le 19 octobre à 18h15 et le 20 octobre à 15h30
nouveaucinema.ca

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