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Le Détesteur: l’humour des années 1990 et ses effets démagogiques

On a parlé beaucoup de démagogie en 2012 et plus récemment, cette semaine, aux Francs-Tireurs et à Tout le monde en parle. On la dénonce, on l'exècre. On accuse les démagogues de la pratiquer et on se moque de ceux qui en sont séduits. Ça va de soi.

J'en suis alors arrivé à me dire qu'on était peut-être en train de tourner en rond à pointer du doigt comme ça, sans ne jamais apporter de solutions ou du moins tenter de comprendre. Parce que yeah, tout l'monde agit comme s'il avait toujours été à l'abri, mais on s'est TOUS déjà retrouvés sous l'emprise de la démagogie, un jour ou l'autre. Le contraire serait peu probable et seuls les malhonnêtes vont nier.

Pour ma part, j'étais enfant, adolescent et même jeune adulte quand c'est arrivé. Pis à chaque fois que l'actualité nous rappelle qu'on a des crétins qui charment à coups de demi-vérités et qu'ils bénéficient d'un public enclin à être séduit par chacune d'entre elles, j'aime entreprendre l'exercice de tout rapporter à mon passé et celui de ma génération, histoire de mieux comprendre ce qui a bien pu engendrer un tel comportement. Comme par exemple, quelle était la relation qu'entretenait le jeune Murphy Cooper qui sort de l'école secondaire avec la démago? Dans quel environnement socio-culturel nous trouvions-nous à l'époque?

Ces questionnements m'ont apporté des réponses qui m'amènent aujourd'hui à frapper sur l'humour des années 90s/early 00s. J'irais même jusqu'à dire que les humoristes ont préparé le terrain pour les Jeff Fillion, Radio X, Richard Martineau et autres chroniqueurs de droite. En fait, oui c'est ça. Les humoristes étaient les Richard Martineau de l'époque, bien qu'aujourd'hui la relève soit engagée et pragmatique plus que jamais.

Dans cette période d'introspection, j'me suis transporté au moment de ma vie où, encore niais, je nageais dans les demi-vérités concernant les hippies, les écolos, les B.S pis les gais et lesbiennes. D'où venaient donc ces préjugés d'ignorance? Pourquoi avais-je l'impression d'avoir toujours pensé comme ça, sans ne jamais rien remettre en question?

J'te répondrai sans hésiter: l'humour des années 90s, man. On m'a offert tout ça comme des évidences, à force de me répéter dans des sketch humoristiques que les assistés sociaux se voulaient des tabarnack de crottés, responsables de leur propre sort. À force d'associer les lesbiennes (frustrées, évidemment) au symbole de la hockeyeur masculine et les gais à celui du coiffeur fofolle efféminé. À force de parodier les hippies-écolos qui nous tapent sur les nerfs avec leur souci de l'environnement pis leur crisse de pollution.

Et là, j'suis pas en train de faire un procès à l'humour, fuck non. J'veux seulement frapper sur le manque de créativité dont ont fait preuve certains humoristes, à quel point ils se sont complus dans la médiocrité/facilité en répétant les mêmes patterns pour séduire le public, qui lui, n'attendait qu'on lui confirme ce dont il était déjà convaincu. L'humour lui servait de preuve scientifique quant à ses préjugés rétrogrades de redneck. Tu penses que l'itinérant sur St-Denis mérite qu'on le déporte outre-mer? Pas de problème, j'suis humoriste, j'vais t'confirmer que t'as pas tort à Piment Fort ce soir, check moi bin manquer d'imagination, basher sur les classes sociales pis faire une joke de gouine au détriment d'Édith Butler on the side.

À force de répéter pis fucking répéter, ça nous est resté dans la tête comme des faits établis, des références culturelles. Selon moi, l'humour a clos bien des dossiers (dans la tête des morons) qu'on aurait dû garder ouverts. L'exploitation minable qu'on en a fait a brisé la glace pour ladite LIBERTÉ de Radio X pis a créé une demande pour faire place aux chroniqueurs réactionnaires de LCN, dans un monde où tout gosse celui qui est gossé par tout, parce qu'on l'a accoutumé à ce que toute différence gosse, sans l'ombre d'un doute.

Quant à moi, et je réitère, un mésusage de l'humour à répétition peut mener vers une forme de démagogie encore plus efficace, et donc plus néfaste, que celle de Jeff Fillion. Heureusement, la nouvelle génération d'humoristes est beaucoup plus intelligente, plus avisée. Beaucoup plus drôle, aussi.

Je vous déteste.

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