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World Press Photo: Guillaume Herbaut met en lumière les jeunes militantes féministes de Femen
Des manifestants en délire à la Place Tahrir suite à l’annonce de la démission du président égyptien Hosni Moubarak. Une mannequin vedette qui pose devant l’atelier d’un tailleur pendant la Semaine de la Mode à Dakar. Les conséquences tragiques des violents cartels de la drogue qui terrorisent les résidents d’Acapulco. Comme chaque année, la 55e édition du World Press Photo, prestigieuse expo itinérante regroupant 160 des meilleures photographies de presse de l’année, propose un survol très éclectique des sujets d’actualité ayant marqué l’année 2011. Les photos primées témoignent de revirements politiques, de crises sociales, d’exploits sportifs et de percées artistiques qui passeront peut-être à l’histoire.

NIGHTLIFE.CA s’est arrêté sur ce portrait frappant d’une jeune protestataire du groupe féministe ukrainien Femen, seins nus et poing levé, dont les revendications s’apparentent à celles des punk-rockeuses moscovites de Pussy Riot. Nous avons discuté avec le photographe français Guillaume Herbaut, récipiendaire du deuxième prix dans la catégorie Portraits, du tollé qu’a soulevé sa photo dans plusieurs villes où l’exposition est présentée, du corps nu comme arme politique et des parallèles qu’on peut tracer avec les désormais incarcérées Pussy Riot.

 

NIGHTLIFE.CA: Pourquoi avoir choisi l'appellation «Les Nouvelles Amazones» pour désigner Femen ?
Herbaut: Il y a quelques années, j'avais fait en Ukraine un reportage sur un groupe de femmes qui voulaient recréer les tribus amazoniennes. Elles disaient avoir retrouvé un art martial amazone inspiré par le Gopak, le sport de combat des Cosaques. On dit aussi que les Amazones de l'Antiquité venaient d'Ukraine. Quand j'ai rencontré les Femen, je me suis dit qu'elles étaient des guerrières et donc qu'elles étaient les nouvelles Amazones.

Les militantes de Femen luttent contre la prostitution, le tourisme sexuel et les inégalités homme-femme…en se dénudant. Le corps nu serait-il devenu une précieuse arme politique ?
Je pense que le corps est l'un des derniers espaces de liberté des individus. La nudité choque encore, et donc peut être une vrai arme pour se faire entendre.

À propos de votre mise en scène d'Inna Shevchenko, regard assuré et poing levé, vous avez dit vouloir faire des icônes d’elle et de ses comparses. Pourquoi ?
Parce que leurs techniques de combat militant sont de jouer constamment avec des symboles. Elles jouent avec la réprésentation de la femme dans notre société.


Les Nouvelles Amazones de Guillaume Herbaut, pour le magazine Stiletto

Vous avez essayé, en vain, de vendre l’idée de cette série Femen à plusieurs médias. Pourquoi croyez-vous qu’aucune publication (mis à part le magazine Stiletto) ne s’intéressait aux revendications de ces filles ?
Je ne sais pas. Je pense qu'ils ne comprenaient pas bien ou ne les prenaient pas au sérieux. Leur actions en Biélorussie (elles ont été enlevées par le KGB par la suite et ont subi des sévices) auront changé notre regard sur elles.

Apparemment que l’expo World Press Photo ne passera pas par certaines villes à cause de votre photo. Comment avez-vous réagi lorsqu’on vous a annoncé la chose ? Est-ce que cela confirme en quelque sorte l'aspect transgressif de leurs actes ?
Je trouve que c'est très révélateur du monde dans lequel on vit. La nudité féminine choque plus qu'une photo de cadavres. Cela révèle aussi que nous sommes dans une période de régression pour le statut de la femme.

À Kiev, Femen a récemment démontré son soutien à Pussy Riot en passant à la tronçonneuse une grande croix de bois orthodoxe devant les caméras. Croyez-vous que les revendications des deux groupes se rejoignent ?
Elles sont assez proches; elles jouent avec la dérision et la provocation pour révéler les choses.

Alors que trois des Pussy Riot ont été condamnées à deux ans de prison pour « hooliganisme » à Moscou, voilà que des chefs d'accusation similaires viennent d'être portés contre une activiste de Femen par les autorités ukrainiennes. Cela vous surprend ?
Non et vous?

En parcourant l’ensemble de votre travail, on pourrait quasiment conclure que Femen se range parmi vos projets plus «légers» ou «lifestyle» tellement vous vous penchez sur des réalités sinistres: les survivants de Tchernobyl, la guerre contre les narcotrafiquants au Mexique et les séquelles de Nagasaki… Qu'est-ce qui vous interpelle le plus dans ces tragédies ?
C'est un sujet faussement « light » puisqu'il a une dimension politique, mais il est vrai qu'il est plus positif que les autres. Les sujets que j'ai faits ces dix derniers années sont liés à des lieux de fracture et de mort. Ce qui m'interpelle le plus, c'est le fait que les droits des victimes soient toujours oubliés et bafoués.

 

World Press Photo Montréal
Du 7 au 30 septembre 2012
Marché Bonsecours | 325, De La Commune Est | worldpressphotomontreal.ca

Consultez le portfolio de Guillaume Herbaut ici

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