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Le Détesteur: à la défense des fils de riches

J'me rappelle de ce dude très bien pourvu au secondaire qui fut l'un des premiers à se trouver un job à plus de 25h/semaine. Il n'était pas le seul, certes, mais personne ne se brûlait comme lui. On se disait que ses parents riches l'obligeaient probablement à prendre ses responsabilités très jeune, histoire de ne pas les décevoir dans sa mi-vingtaine, tel un jeune espoir de film d'ado américain qu'on espère envoyer à Harvard. Autrement, il serait un échec injustifiable pour la famille… Mais ce n'était pas ça.

J'ai appris plus tard que si il devait se rendre au travail à la fin de chaque jour de classe et les fins d'semaine, c'était à cause de nous. Ses parents n'avaient donc rien à voir avec le stéréotype d'un scénario hollywoodien. En fait, c'est qu'on exerçait sur lui une pression tellement énorme que jamais il n'aurait pu accepter leurs cadeaux ou leur aide. Il a donc dû se rendre au boulot, soirs et week-end, pour éviter (souvent en vain) d'avoir des comptes à nous rendre sur ces nouvelles acquisitions digne d'un «fils de riches».

Moralement, c'est comme si c'était mal reçu qu'un parent ait étudié et travaillé toute une vie pour offrir un peu d'aisance à son enfant. L'étiquette de fils à papa colle rapidement au front, mettons.

Drôle, parce que tous les autres, m'incluant, se voyaient recevoir, sans question, cette permission toute spéciale, de consentir à récolter l'argent de papa, sans faire tache à sa réputation. Suffit de posséder le prérequis adéquat, c'est-à-dire, un parent moins bien nanti qui se tue au travail. Comme ça, tu peux l'accepter la voiture, l'aide financière pour tes études, les nouveaux vêtements pis la Playstation 3.

Mon père fait partie des moins aisés financièrement qui se sont défoncés pour que sa famille ne manque d'absolument rien et parmi toutes les choses qu'il a pu m'offrir, l'enthousiasme avec lequel il s'y adonnait se retrouvait au même niveau que mon bonheur de  les recevoir. Il en aurait même souffert qu'on lui empêche de nous faire plaisir.

J'imagine comment peut se sentir un parent aux mêmes valeurs et intentions que le mien, dans une situation monétaire nettement plus avantageuse, se voyant restreint de donner, pourtant capable d'offrir plus.. Devoir moins gâter ou venir en aide à son garçon pour l'intérêt de ceux qui n'acceptent pas, mais qui bénéficient tout de même d'un support semblable, mais considéré plus «honorable».

Une honorabilité qui d'ailleurs se calcule fallacieusement à la sueur et aux risques de laisser sa peau au travail. Plus elle est élevée, plus l'enfant peut brag impunément son iPad dans la cour d'école.

Cette honorabilité se rattache d'ailleurs couramment au syndrome de se sentir utile à tout prix ou la hantise de ne jamais en faire «suffisamment». Ce qui force alors les personnes atteintes à vouloir se rendre contagieuses, à vérifier si autrui accomplit convenablement et avec ardeur ses tâches, à critiquer celui qui se repose trop longtemps,  celui qui s'assoit alors qu'il devrait se tenir debout. Tsé… celui qui reçoit l'aide de ses parents.

Le complexe du sans diplôme retransmis dans la cour d'école. Il nous suffit de garder un œil ouvert pour apercevoir l'incidence qu'il aura sur certains jeunes nantis, qui en vieillissant camouflent leur situation familiale et tendent à se développer de façon à feindre la réalité, à jouer les trashs, à s'enfoncer sciemment vers la déchéance. Quoi que l'inverse n'est pas peu commun quand on pense aux nouveaux riches de première génération…

Je vous déteste.

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