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Emily Haines de Metric nous parle de Synthetica, un nouvel album qui réaffirme l’identité du groupe

Emily Haines est peut-être chanteuse dans un groupe pop. Mais lorsque vient le temps de composer, c’est en auteure qu’elle pense. Un peu comme son père, le défunt poète Paul Haines. Les chansons de Metric ne sont pas que riffs, vers et refrains; elles sont personnages, histoires, concepts. Et questionnements, beaucoup de questionnements.

«Ma mère a récemment ressorti un dessin que j’avais fait quand j’avais cinq ans. C’est presque effrayant! Dessus il est écrit: ‘‘Qu’est-ce qui ne va pas?’’ juste en haut d’une grosse boîte vide. Au bas, il y a mon nom. Ouais… Quelque chose me dit que c’était ma destinée de poser des questions», ricane la Torontoise.

Haines, 38 ans, reçoit les journalistes montréalais dans une chambre d’hôtel en prévision de la sortie de Synthetica, le cinquième album de Metric, le 12 juin. Une escale qui s’explique par la grande popularité du groupe en nos terres, certes, mais aussi parce que son quartier général d’affaires est basé ici: Metric Music International (MMI), le label fondé pour la sortie de son album précédent, Fantasies, en 2009.

Un saut dans le vide dans l’indépendance couronné de succès: Fantasies s’est écoulé à plus de 500 000 exemplaires à travers le monde et Metric est devenu le premier groupe indépendant à figurer au top 20 des radios commerciales américaines.

Mais le quatuor a tout de même connu une phase d’incertitude au moment d’entamer son nouvel ouvrage. «Le plus gros défi pour moi, en ce moment, est de réaliser à quel point nous nous sommes investis là-dedans depuis 10 ans. Littéralement 15 heures par jour depuis aussi longtemps que je me souvienne et pour l’avenir immédiat. C’est intense, diriger un label! Des fois, ça m’effraie de me demander: ‘‘Quelle est la valeur de tout ça?’’ On ne guérit pas le fucking cancer, on fait de la pop! Et pourquoi? Pour qu’il y ait une chanson à la radio? Et après?» lance Haines. «J’en parle dans la chanson ‘‘Dreams so Real’’: la crainte d’avoir tout donné pour rien…»

Poster d’une fille
Quand on s’appelle Emily Haines, répondre à de telles interrogations passe par la rencontre d’un personnage fictif nommé Synthetica. «Des thèmes, des mélodies et des bouts de textes revenaient constamment dans l’écriture des chansons. Ils migraient d’une pièce à l’autre, ce qui n’était jamais arrivé dans l’histoire de Metric auparavant. C’était comme s’il n’y avait plus de frontière entre les morceaux.»

«Jimmy (Shaw, guitariste, claviériste et co-leader) m’envoyait ces bouts de musique qui ressemblaient à des symphonies de synthétiseurs. Il prétendait que c’était des pièces différentes, mais en fait, c’était toujours la même! Ces sons étaient les premiers morceaux du casse-tête. De mon côté, j’ai eu l’idée de ce personnage: une fille qui déménage à L.A., devient strip-teaseuse et se sent morte à l’intérieur… Dans l’histoire, elle porte différents noms, comme une prostituée. Aucun n’est le vrai. L’un d’eux revient souvent et c’est Synthetica.»

«Sauf que je n’arrivais jamais à terminer l’histoire, poursuit Haines. J’avais toujours l’impression d’être trop méchante avec le personnage. Comme si je cherchais à m’en dissocier alors qu’au fond, j’avais beaucoup de compassion pour elle. On a fini par la laisser de côté pour explorer d’autres idées. Le personnage était une métaphore, mais elle n’était pas au point pour ce que nous cherchions à exprimer.»

Retour vers le futur
Les thèmes, sons, mots et bouts de textes défrichés au cours de cette recherche ont néanmoins campé un décor. «Ça ressemblait à une destination, une fuite. Puis, je me suis intéressée à l’architecture radicale des années 60, soit des images qui traduisaient une vision grave et contre-utopique du futur. J’ai ressenti une forte connexion entre ça et le son que nous cherchions. C’est rentré dans la musique, les mots ne voulaient plus partir… Il est devenu clair qu’il ne pourrait y avoir d’autre thème. C’est devenu le parapluie de tout ce qu’on faisait, d’autant plus que ça englobait l’idée d’une synthèse de tout ce qu’on avait fait auparavant», note Emily.

Le personnage de Synthetica, au final, a été retiré au profit d’un regard sur la question environnementale. «C’est une évaluation du monde naturel et de ce qui en reste. ‘‘Speed the Collapse’’ est un reflet de la tension que ressent toute personne se souciant du sort de la planète. Tout le monde est au courant; on se fait dire que c’est irréparable, on remarque que les saisons disparaissent avec un sentiment de malaise, mais on ignore ce que ça signifie exactement, quels gestes poser… C’est comme un conte moral à propos de la déconnexion de chacun avec le reste de la planète. Personne ne va se soucier de la hausse du niveau des mers avant que sa propre maison ne soit inondée…»

Destination finale
Au terme du processus, les craintes d’Emily sont calmées. Synthetica ressemble à du Metric pur et pour la chanteuse, c’est le réconfort ultime. «Ça ressemble aux quatre personnes que nous sommes, mais avec une quantité raisonnable de développements. Dieu merci! Peut-être que le processus d’écriture d’un disque revient à ça: réaffirmer l’identité du groupe.» 

Au final, la pop lui semble encore utile. Et agréable, puisque Lou Reed, l’un de ses héros de toujours, prête sa voix à la pièce «The Wanderlust». «Est-ce que les gens ont vraiment besoin de ça? Ça reste à voir, mais j’ai l’impression que oui. Quand je pense à la musique qui a compté beaucoup pour moi, je réalise qu’elle est essentielle à mon existence. Des gens en ont vraiment besoin, ce n’est pas un exercice vain!» note-t-elle.

«J’imagine que ce sera toujours le dilemme posé par les arts. Dira-t-on à un peintre: ‘‘tu devrais plutôt aller travailler à la soupe populaire?’’ Peut-être qu’il devrait, mais peut-être aussi doit-il vraiment terminer cette peinture. Je m’accroche toujours à l’atmosphère de grande honnêteté qui règne autour de nous, au sein de notre équipe. S’il était temps pour nous de passer à autre chose, je crois qu’on le sentirait.»

Metric
Sortie de Synthetica le 12 juin
ilovemetric.com

Participation à Osheaga
5 août | Parc Jean-Drapeau
osheaga.com

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