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Duchess Says danse, danse, pense plus

Auteur: Olivier Lalande
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Duchess Says danse, danse, pense plus

En 2008, le quatuor électro-punk local Duchess Says débarquait avec Anthologie des 3 perchoirs, un premier album emballant, mais dont l’accouchement a pratiquement provoqué la mort du groupe. Coucher sur disque des pièces qui avaient vécu live durant des années n’a pas été une tâche de tout repos.

In a Fung Day T, sa suite lancée cette semaine, est un scénario tout autre. Pas d’histoire d’horreur, pas de souffrances infinies… Au contraire, la chanteuse Annie-Claude Deschênes et le guitariste/bassiste Philippe Clément parlent de sa conception presque comme de vacances à la montagne. Voici un extrait d’un entretien avec les deux représentants du groupe réalisé il y a quelques semaines. Lisez le reste dans l’édition papier de novembre de NIGHTLIFE.

Vous décrivez vos deux albums comme représentant deux états d’esprit différents. Quel est donc l’état d’esprit d’In a Fung Day T?
Annie-Claude Deschênes: Ça représente peut-être plus un effort de mettre de l’ordre.

Philippe Clément: On est tellement les personnes les plus broche à foin au monde. On est tellement désorganisés! Je viens juste de faire réparer ma bass, ça faisait 6 mois qu’elle fonctionnait tout croche… Tout notre équipement est pété. En tout cas… Là, on a mis de l’ordre. Quand on a fait ce disque-là, on a vraiment fait l’effort de clarifier toutes nos idées. Simplifier, aussi. On a abordé la composition de façon plus minimaliste. Par exemple, au lieu de se forcer pour introduire tel ou tel changement dans une chanson, on ne s’est pas gênés pour faire durer la même note pendant quatre minutes.

AC: On s’est vraiment concentrés sur nous autres. J’ai pas pensé au public pantoute en faisant celui-là. L’autre, j’y pensais davantage. Faut dire qu’on jouait les chansons du premier album en show depuis tellement longtemps… Les gens s’attendaient forcément à ce que l’album accote le live. C’est pour ça qu’on a eu tant de misère à trouver le son. Tandis que les nouvelles chansons, mis à part quelques-unes, on ne les avait jamais vraiment jouées live.

Vous n’aviez pas de références à égaler…
AC: C’est ça!

PC: Les chansons du nouvel album sont vraiment les chansons que moi, je voudrais entendre. Cette fois, il n’a pas été question d’ajouter, par exemple, «une chanson punk pour que ça brasse», «une toune pop pour pogner» ou une toune plus électro…

AC: Ne pas intellectualiser ce qu’on fait. Juste le sentir, le faire. Je ne sais pas si c’est innovateur ou pas…

PC: …mais c’est nous autres.

AC: C’est ça. Avant, j’étais plus du genre à me questionner, parce que c’est quand même important pour moi qu’on ait notre son, que ça soit spécial, particulier. J’étais peut-être trop préoccupée par ça. J’ai décidé de laisser aller. Tant qu’à ça, j’aime mieux m’amuser que me faire chier. Le premier a été trop dur. Ça nous a démotivés. En ce moment, c’est le contraire. Ça a tellement bien été qu’on a juste envie d’en faire d’autres plus vite.

Musicalement, de quoi êtes-vous nourris ces dernières années?
PC: Je t’avouerai que je n’ai pas fait beaucoup de découvertes. Personnellement, je n’ai juste pas écouté de musique pendant un bout.

AC: Moi non plus. Mais j’ai regardé beaucoup de films, par exemple. Je lis beaucoup, aussi.

PC: L’album a comme un son new-wave… Je me demande bien d’où ça vient parce qu’on en n’écoute pas! (rires) J’comprends pas.

AC: Moi, j’me sens bien là-dedans. J’me sens à l’aise. Mais pour ma part, j’ai l’impression d’avoir été beaucoup plus inspirée par mes lectures, pis par les films que j’ai vus.

PC: Moi aussi. Pendant un bout de temps, je ne travaillais pas. J’avais rien à faire, faque j’allais à la Bibliothèque nationale pis je me louais six films par jour. Des coffrets de Gilles Carles à ceux d’Alfred Hitchcock… Redécouvrir les classiques. C’est vraiment ce qui m’a passionné le plus.

AC: Il y a beaucoup de références à ça dans les titres de tounes. Comme «Mayakovsky», c’est un poète. «Narcisse», c’est un peu inspiré de Cocteau. Je sais que c’est pas clair pantoute, mais moi, quand je les chante, c’est à ça que je pense.

J’avoue que je n’essaie même plus d’analyser de quoi vos chansons parlent…
PC: (rires) Non, faut pas essayer de nous comprendre. (À Annie-Claude) même moi, j’te comprends pas, des fois…

AC: Même moi, j’me comprends pas! (rires) Non, c’est pas vrai.

Et la pièce «Gainsbourg», c’est une référence à ses films ou à sa musique?
PC: Ben tsé, nous autres, quand on compose, on enregistre nos idées sur notre petite enregistreuse numérique. À un moment donné y’avait un riff de basse qui nous faisait penser à une toune de Gainsbourg. En attendant de lui trouver un titre, on a décidé de l’appeler comme ça. Finalement, en studio, quand le temps est venu de lui trouver un «vrai» titre, on a décidé de garder celui-là. C’est un artiste que je respecte beaucoup. En fait, c’est probablement lui que j’écoute le plus. Du moins depuis les deux dernières années. J’aurais sans doute préféré trouver un titre qui cadre plus avec le texte, mais bon, c’pas grave. De toute façon, nos tounes, elles ont des titres sur disque, puis elles en ont d’autres entre nous. Comme «Tenen non neu», pour nous autres, c’est «Tacatac».

AC: Ou «Subtraction of Obedience», c’est «Day Of».

La genèse d’une toune de Duchess, ça ressemble à quoi?
PC:  C’est pas mal les jams. Ça commence en se demandant: «qu’est-ce qu’on fait?» Puis, quelqu’un part un beat. Si on embarque tous les quatre et que chacun à son instrument trouve une idée qui lui plaît, la toune va tranquillement prendre forme. On va finir par trouver un refrain, etc. C’est pas mal de même.

AC: Moi, j’arrive souvent en décrivant une certaine image. De là, on dirait que tout se clarifie.

PC: C’est un travail d’équipe. Y’a personne qui arrive en disant: «hey, j’ai composé une toune hier!» 

AC: Au début, c’est ce qu’on voulait faire ça, mais ça n’est jamais arrivé, je pense.

PC: C’est ça qui est cool. C’est ce qui fait que c’est le fun, jouer ensemble. On se complète et c’est valorisant après de voir ce qu’on a fait tous ensemble. C’est mon bout préféré: après un jam, quand on dit: «ah, c’était vraiment le fun, j’aime vraiment ça!»

AC: On dirait qu’on a besoin les uns des autres. On est comme angoissés quand il en manque un. On a besoin d’être tous les quatre.

C’est dur de vous imaginer en train de composer ou d’être en studio. On a l’habitude de vous voir live, où vous êtes si intenses. Surtout toi, Annie-Claude. Le studio, c’est un peu l’inverse, non?
AC: Ben, c’est pour ça que j’ai eu tant de misère, pour le premier album. Depuis, j’ai «catché» des affaires. Avant, j’essayais de reproduire en studio exactement ce qui se passe sur scène. C’est ce que j’ai trouvé si frustrant: je ne retrouvais pas cette énergie-là! Mais à un moment donné, j’ai fait l’expérience de mettre de la distorsion sur mon micro. J’ai chuchoté un peu… Et ça a donné le même effet que quand je gueule comme une mongole sur scène! C’est là que j’ai compris: live, c’est comme le théâtre et le studio, c’est comme faire un film. On peut en faire moins et arriver à plus. Ça a été rough de comprendre ça, mais j’ai l’impression que ça m’a permis cette fois-ci d’arriver à quelque chose de plus similaire à l’expérience live. Je ne sais pas pourquoi. Peut-être que c’était juste la sorte de micro qu’on a utilisé. Tout ce que je sais, c’est que je n’ai pas eu à chercher autant pour que l’effet soit équivalent. J’avais juste à faire une take et ça sortait juste comme il fallait!

Duchess Says
13 octobre | Club Soda
1225, St-Laurent
avec Le Monde dans le feu
duchesssays.com