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La Biennale de Montréal: l’artiste Grégory Chatonsky explore notre rapports aux technologies

Je me souviens aujourd’hui, mais je ne me souviens pas comme hier. Grégory Chatonsky explore notre civilisation en mutation perpétuelle et notre rapport aux technologies qui, depuis ses débuts avec le collectif incident.net, qu’il a fondé en 1994, se font de plus en plus omniprésentes, et ce, à chaque seconde. Pour la Biennale de Montréal, dans le cadre du volet art électronique, l’artiste qui a exposé partout présentera Notre Mémoire, pièce inspirée «d’une expérience super simple, légèrement irritante et drôlement émouvante». À savoir celle de perdre près de trois mois de travail à cause d’un disque dur qui soudain rend l’âme. 

Entretien avec celui qui, par le biais de «son» travail (un «son» qu’il met lui-même entre parenthèses), sonde les aléas de notre ère à tous. D’ailleurs, c’est lui qui le dit: «Quand l’art n’intéresse que les artistes, il faut le fuir. L’intérêt, c’est quand il intéresse la société.»

 

Tu verrais le web comme un espace de travail? Un outil de travail? Un…?

Je verrais ça comme un médium, parce que sur internet s’invente sans aucun doute un nouveau rapport à l’image et à sa surcharge, de nouvelles modalités de relations humaines et de formes politiques. C’est ce qui constitue la spécificité de notre époque.

 

En tant qu’artiste, c’est la même perception que tu en as?

En tant qu’artiste, j’ai le sentiment d’une situation paradoxale: le web a amené une transformation importante et en même temps, dans le monde de l’art, une espèce de rejet. Moi, je veux m’inspirer de ce modèle pour poser la question: si je fais une oeuvre d’art, vais-je ajouter des images à d’autres qui existent déjà, ou est-ce que mon rôle consiste à définir de nouveaux critères pour aller piocher dans celles-ci?

 

Justement, pour des oeuvres comme Dance With Me, comment tu sélectionnes tes images? Tu t’imposes des limites?

Souvent, je définis un thème. Pour Dance With Me, j’ai choisi 157 vidéos de YouTube où des adolescentes dansent toutes sur la même chorégraphie de R&B. Je choisis le critère, mais ensuite, je ne fais pas de tri. J’ai une démarche un peu objective. Le hasard pur ne m’intéresse pas; j’aime le hasard orienté.

 

Pour l’instant, le web est un endroit vaste, peu réglementé. Est-ce qu’une réglementation sur le droit à l’image changerait ta méthode de travail, voire ton travail au grand complet?

En fait, c’est un peu le débat actuel. Moi, je suis absolument opposé à toute règlementation d’internet. Je n’ai jamais eu de procès, mais j’attends avec impatience qu’on m’en colle un!

 

Toi qui es super prolifique, dirais-tu que ça va de pair avec le type d’art que tu crées?

Une caractéristique des technologies du monde contemporain, c’est l’obsolescence immédiate, à peine une chose annoncée, qu’elle est déjà passée. J’essaye d’y répondre par un productivisme artistique, une générosité de produire beaucoup pour essayer de maintenir le rythme. 

 

Avec ton oeuvre I Just Don’t Know What to Do With Myself, tu abordes la question de l’empreinte digitale. Comment laisse-t-on son empreinte de nos jours?

Par ce travail, je voulais montrer que dans la société actuelle, après le 11 septembre, il y a de plus en plus d’identification et de contrôle. Maintenant, aucune période dans l’histoire autant que la nôtre n’a permis aux anonymes de laisser leur empreinte. Si on utilise des tas de données, cartes de crédit, etc., on peut savoir à quel endroit tu as été et à quel moment. Je dirais bizarrement que la meilleure tactique pour laisser une trace, c’est peut-être de s’effacer.

 

La Biennale de Montréal 2011 | Du 1er au 31 mai
Grégory Chatonsky | gregory.incident.net

 

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