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Finale des Francouvertes: la relève, vraiment?
Crédit: Sébastien Roy
Au moins, cette année, le gagnant n’est pas un artiste déjà établi et les finalistes n’étaient pas déjà sous contrat de disques (même si l’annonce du recrutement de la gagnante par Vega musique au lendemain de sa victoire laisse croire que l’affaire était conclue depuis un moment).

Mais est-ce que la relève musicale sort vraiment gagnante de cette quinzième édition des Francouvertes? Encore une fois, il y a un malaise au lendemain du couronnement de Chloé Lacasse, le 3 mai au Club Soda.

Pas de doute, l’auteure-compositeure a donné la meilleure prestation de la soirée… sur le plan technique. Voix forte et scintillante, présence assurée, interprétation précise, sourires aux bons moments… La définition même du professionnalisme!

Pourquoi, alors, cette envie forte de se rentrer les crayons remis pour le vote du public bien loin dans les canaux auditifs alors que chantait la demoiselle? Disons que ce n’est pas pour rien qu’elle s’est auparavant fait remarquer au Festival de la chanson de Granby et au concours Ma première Place des arts. C’est de la chanson pop 101. Une guitare un peu moins forte et on l’imaginerait presque à Star Académie.

Dans la salle, plusieurs coeurs penchaient plutôt pour Karim Ouellet ou Canailles. Le premier a charmé avec sa désinvolture, sa pop atypique, funky, aux arrangements colorés. Le gars suinte la personnalité. Les seconds avaient les chansons accrocheuses, l’ambiance festive et l’émotion brute. Autant de qualités absentes de la musique de Chloé Lacasse.

Les bémols qui tuent
Les défauts n’en étaient pas moins évidents. Les deux étaient brouillons, désorganisés dans leurs interventions au micro. Les compositions de Karim Ouellet sont erratiques, sinueuses. Chez Canailles, l’assurance scénique manque à l’appel en dépit des pitreries. L’interprétation est relâchée. Ils ont également été désavantagés par une sono déficiente, clairement pas prête à accueillir leurs arrangements strictement acoustiques: voix embrouillées, instruments mal calibrés… Le concours aurait intérêt à faire appel à un sonorisateur un peu plus polyvalent pour sa finale de l’an prochain.

Le malaise vient d’avoir fait rimer la longueur d’avance technique de Chloé Lacasse avec supériorité artistique. En 2011, l’équation est anachronique. L’histoire a prouvé que la musique plus singulière, voire maladroite, pouvait être tout aussi viable et appréciée du public. L’intérêt d’une Chloé Lacasse reste essentiellement industriel. La suite de sa carrière dépendra de la capacité d’une équipe à imposer un produit dans le paysage radiophonique, à faire ressortir sa voix un instant de centaines de copies carbone pop.

D’un autre côté, les Francouvertes restent un concours. Ouvert à tous les genres musicaux. Aux Olympiques, la médaille revient à qui franchit la ligne d’arrivée en premier, pas à celui qui court avec le plus de grâce ou de cran.

L’engouement de l’industrie et du public québécois pour une relève musicale sage ne date par ailleurs pas d’hier. On ne s’étonne pas de le voir à nouveau exprimé dans ce classement déterminé moitié-moitié par un jury composé de journalistes et diffuseurs ainsi que par le vote de l’assistance. Forcément, la formule ne favorise pas tout le monde. Mon coup de cœur de l’édition 2011, par exemple – les très gauches mais amusants Il danse avec les genoux – n’a pas passé le stade des préliminaires.

Pour ces mêmes raisons, plusieurs doutaient d’ailleurs de voir Karim Ouellet et Canailles passer en finale. La quinzième édition des Francouvertes sera donc restée intéressante et serrée jusqu’au bout. Pour cette raison, oui, la relève en sort gagnante, même si on a vu des éditions plus excitantes.

Quant aux médaillés d’argent et de bronze, on ne s’inquiète pas pour eux, ils vont bénéficier de la visibilité et de l’expérience fournie par le concours. Et nous, au terme de ces trois mois de compétition, on a une meilleure idée de ce qui se profile à l’horizon francophone pour la prochaine année.

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