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Best Coast et Wavves @ Cabaret du Mile-End: pour l’amour du grunge
Crédit: Simon Gosselin

Trip nostalgique ou retour du balancier rock? Je ne saurais trop dire auquel des deux j’ai assisté, samedi soir dernier au Cabaret du Mile-End. Tout ce que je sais, c’est que j’ai vu et entendu des concerts rigoureusement identiques au milieu des années 90, exactement au même endroit… À l’époque où le Cabaret du Mile-End s’appelait encore le Club Soda, alors situé dans les mêmes locaux de la rue Du Parc. Weird de chez weird.

Sur disque, ni Wavves, ni Best Coast ne trahissent vraiment leur parenté grunge. On entend les connexions punk-pop, les tendances shoegaze… Question de réalisation, sans doute. Live? Bonjour les parallèles avec Nirvana, Hole et tous leurs semblables des années 90.

Le voyage dans le temps a commencé avec le quatuor local No Joy. Encore là, sur disque, on a droit à un son passablement actuel… Son album tout récent, Ghost Blonde, a après tout été mixé par Sunne Rose Wagner des Raveonettes, qui a le don d’actualiser le trip Jesus & Mary Chain dans des fréquences croustillantes et la haute fidélité. Sur scène, samedi, le groupe a présenté son univers de façon correcte – cheveux dans le visage et tout –, mais sans postproduction, les compositions sont des plus communes. Rien à redire, mais rien qui se démarque non plus.

Faire des vagues
Le culte dont jouit Wavves s’explique à moitié. Le leader et seul membre permanent, Nathan Williams, est capable de quelques bons brûlots pop-punk, il sait les apprêter dans une sauce particulière sur disque, a un ex-adjuvant de feu Jay Reatard (le bassiste Stephen Pope) à ses côtés, sans compter une réputation de fêtard indomptable et imprévisible.

Mais ôtez les frasques et trouvez-le sobre comme un clou (comme samedi), enlevez l’environnement studio, alignez le meilleur de son répertoire (le plus récent King of the Beach) avec le moins bon (l’ordinaire Wavvves, de 2009) et qu’avez-vous? Un gringalet finalement assez peu charismatique (Williams) flanqué d’une bête de scène (Pope) et un batteur correct, mais pas extraordinaire (l’ex-The Mae Shi Jacob Cooper) astiquant un pop-punk honnête, mais sans rien de renversant. Dans ce cas-ci, c’est le public qui donnait le gros du concert: frénétique, pogottant, très porté sur le stage diving et heureux de tapoter les ballons de plage qui fusaient de part et d’autre.

Charme et bémols
Le trio Best Coast s’est montré un peu plus éclatant grâce à des chansons plus ficelées et constantes ainsi qu’une assurance scénique qui ne passait pas par le simple défoulement rock. Bethany Cosentino et Bobb Bruno assument leur pop acidulée avec stoïcisme et sourires complices. «Boyfriend», «Summer Mood» et autres «When I’m With You» sont passées avec toute leur fraîcheur et leur vigueur. En prime: une reprise de Loretta Lynn bien menée, apparemment un présage des choses à venir pour le groupe. Le public s’est montré un peu plus calme que durant Wavves, mais l’enthousiasme était encore au rendez-vous.

Cela dit, une certaine monotonie s’est rapidement installée. Le son Best Coast a du charme, mais il semble aussi n’avoir pour le moment qu’une seule dimension.

Outre le côté ensoleillé de leur musique, Williams et Consentino (compagnons de vie autant que de tournée, soit dit en passant) ont en commun cette façon de chanter très proche de celle de Kurt Cobain, Courtney Love et tant d’autres grosses pointures grunge. Cette tournure rauque et abrasive donnée aux refrains, cette façon de lyrer virilement dans les fins de phrases… Très grunge, tout ça.

À voir le nombre grandissant de groupes pataugeant dans les mêmes eaux (No Age, Cloud Nothings, Oberhofer…), la popularité dont ils jouissent de même que cet empressement des fans à reproduire le rituel grunge, c’est à croire que toute une génération cherche présentement à vivre à son tour les années 90. Celle, de toute évidence, qui a grandi avec le rock d’aréna des Strokes, d’Interpol et la surenchère indie d’Arcade Fire.

On ne peut pas la blâmer. Mais pour qui a déjà vécu la décennie en question une première fois, ce retour en arrière a tout d’étrange. Et tandis que Wavves et Best Coast mènent ce mouvement avec talent, on souhaite qu’ils lui insufflent au plus vite un petit quelque chose en plus, une saveur particulière propre à leur époque à eux – au-delà de l’ambiance estivale californienne.

Pour l’instant, les deux frisent le pastiche. Les moments qu’on passe en leur compagnie sont agréables, mais pas inoubliables.

 

Pour voir les photos de la soirée prises par notre photographe Simon Gosselin, consultez notre album photo

 

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