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The Besnard Lakes et Suuns: pyrotechnie imaginaire
Crédit: Sébastien Roy

On pourrait toujours dire que tout ce qui manquait, samedi au Cabaret du Mile-End, c’était les feux d’artifice. Pas de doute, les prestations données par les Besnard Lakes et Suuns étaient tout à fait dignes d’une pétarade de show d’aréna. Gros riffs, gros refrains, gros hochements de tête… Gros tout.

Mais on pourrait aussi dire que les feux d’artifice d’aréna, c’est fait pour reproduire ces moments de grâce rock comme celui qu’on a vécu samedi; cette intensité trop grande pour l’intimité d’une si petite salle. Les Besnard Lakes et Suuns sont deux groupes indépendants de Montréal, mais leur musique est trop grosse pour entrer dans cette étiquette réductrice, trop grosse pour le Cabaret du Mile-End.

Bref, tout ça pour dire qu’il ne manquait rien, qu’on était à de lieues de l’indie-rock timide et qu’on préférait bien mieux être là plutôt que dans un concert de Green Day truffé de pétards. Mais qu’on pensait aussi un peu, quand même, aux feux d’artifice.

Le trio Valleys a débuté le bal tout en douceur avec son indie-folk lancinant (dépressif?) aux accents shoegaze. Toute lymphatique soit sa musique, on doit noter que le groupe prend sans cesse du muscle. «Dynamique» ne sera probablement jamais le mot juste pour décrire ses activités, mais il sait faire honneur à son univers sombre sur scène.

Suuns a épaté avec son premier album, Zeroes QC, impressionné de plus belle lors de la dernière édition de M pour Montréal et en a rajouté samedi. Expérience de route accumulée depuis l’automne, niveau d’énergie accru ce soir-là ou sono de l’endroit qui mettait particulièrement en évidence la guitare mordante de Ben Shemie? À moins qu’on ne se soit simplement accoutumé davantage à son électro-rock atypique depuis la parution de Zeroes, QC? Ou que la trop grande brièveté de sa prestation (à peine une demi-heure)  nous en ait fait vouloir davantage? Chose certaine, des pièces comme la dansante «Arena» ont vraiment un cachet unique, auquel le quatuor arrive à injecter live une dose additionnelle de fiel par son jeu serré et agressif. Ce groupe pourrait aller très loin.

Quant aux Besnard Lakes, rien de très neuf sur leur soleil depuis qu’on les a vus au FME de Rouyn-Noranda. Et c’est parfait ainsi: un rythme de croisière a été atteint aux termes des tournées entourant l’album The Besnard Lakes are the Dark Horse, et ce n’est pas à coups de deux-trois prestations par année à Montréal que les fans locaux s’en lasseront. Si leur plus récent album, The Besnard Lakes are the Roaring Nights, est un peu moins fort que le précédent, c’est en partie à cause de sa trop grande proximité musicale. Live, des pièces comme «Like the Ocean, Like the Innocent», “Albatross” et “The Glass Printer” n’en demeurent pas moins explosives. Voici d’ailleurs une captation de ce dernier morceau:

Notons que des pièces pré-Dark Horse marquent un retour dans le répertoire du groupe. «This Thing», extraite du plus obscur premier album Volume 1, a été servie en introduction. Reste que les meilleurs moments surviennent encore au son des pièces de Dark Horse: «Devastation», «And You Lied to Me» et surtout «Disaster», hymne inoubliable qui rivalise avec les classiques shoegaze. C’est la grande qualité des Besnard Lakes: savoir évoquer cette période fertile du rock britannique des années 90 tout en la réapprêtant avec une touche très personnelle, mélange de gris brun lo-fi à la slush montréalaise et de démesure classic rock. Inimitable. Autre touche appréciable: ce sens de l’autodérision dont les leaders Jace Lasek et Olga Goreas font preuve entre les chansons. On est loin de l’attitude précieuse, faussement inhibée de bien des indie-rockeurs.

La seule mauvaise note de la soirée va au Cabaret du Mile-End, dont l’effectif s’est montré incapable de gérer l’affluence pourtant prévisible en ce samedi soir. La longue file à la porte n’a pu pleinement entrer qu’à la fin de la prestation de Suuns, ce qui était bien dommage pour qui souhaitait voir plus d’un groupe sur trois. Une fois à l’intérieur, c’était la cohue et l’embouteillage, puisqu’évidemment on n’avait pas pris la peine de retirer suffisamment de tables du parterre, ni d’ouvrir le second bar au fond de la salle. La sono de l’endroit est bien, mais avec le peu de respect démontré envers les acheteurs de billets, voilà qui ne donne pas hâte au prochain événement qui s’y déroulera.

 

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