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Le Pillowman: la fiction supplante la réalité
 
Le Pillowman de Martin McDonagh revient nous hanter et nous émerveiller. Cet apologue atemporel, traduit par Fanny Britt et mis en scène par Denis Bernard, nous questionne sur l’impact sociétal de la création artistique. Œuvre dystopique à l’instar de Fahrenheit 451 ou de 1984, Le Pillowman suit le sillon tracé par ses illustres prédécesseurs, dont Kafka. L’absurde et la noirceur y côtoient un ton grinçant.

Le synopsis: Michal, un esprit enfantin et fruste dans un corps d’adulte, vit avec son frère cadet, lequel travaille dans un abattoir. À l’ombre des carcasses sanguinolentes, le corpulent Katurian écrit des nouvelles d’horreur (jamais publiées) empreintes de prescience. Lorsque les prémonitions se réalisent (infanticides) dans le réel totalitaire, la petite fratrie est interrogée par deux cerbères du système, Tupolsky et Ariel.

L’individu évolue dans les méandres de cette Metropolis, univers sombre qui l’écrase. La rare parcelle d’humanité de ce huis-clos procède de la relation qu’entretiennent les deux protagonistes : ils sont très liés, ce qui se comprend aisément à l’aune de leur background familial. Pendant la garde à vue, Katurian dit à propos de son aîné : « Il n’est pas arriéré, il est parfois lent » quand Ariel évoque Michal.

L’objet de cette arrestation demeure le lien entre les opus de Katurian et les faits divers survenus. McDonagh nous oriente sur la responsabilité d’un auteur quant aux effets néfastes de sa production, une problématique ô combien actuelle !

Toutefois, de temps à autre, percent quelques instants jubilatoires et drôles :

(L’interrogatoire)
Katurian – Je me prénomme Katurian.
Tupolsky – Votre prénom c’est Katurian ?
Katurian – Oui.
Tupolsky – Et votre nom de famille ? Katurian ?
Katurian – Oui.
Tupolsky – Vous vous appelez Katurian Katurian ?
Katurian – Mes parents avaient de l’humour.
Tupolsky – Et l’initiale de votre second prénom ?
Katurian – K. 
Tupolsky – Vous vous appelez Katurian Katurian Katurian ?
Katurian – Comme j’ai dit, mes parents avaient de l’humour.

Les 3 H (horreur, humour, humanité) sont l’ADN de cet Homme-oreiller surgi de l’imaginaire du dramaturge irlandais. « L’humour noir est la politesse du désespoir », écrivait Achille Chavée, surréaliste belge de son état. Ce spectacle vous absorbera entre tension diégétique et rires libérateurs. Avec Antoine Bertrand, Frédéric Blanchette, David Boutin, Daniel Gadouas et Audrey Rancourt-Lessard.

 

Le Pillowman
Jusqu’au 22 janvier
Théâtre du Rideau Vert | 355, Gilford | rideauvert.qc.ca