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Broken Social Scene @ Métropolis: la surenchère agréable
Crédit: Raphaëlle Brault

Kevin Drew n’est probablement pas le partenaire idéal pour faire du LSD. Celui qui agit en tant que leader du collectif torontois Broken Social Scene est pour le moins… intense. «Je sens que ça va être un de ces concerts… Attendez-vous à de longues intros» a-t-il affirmé peu de temps après le lever du rideau, le 17 décembre au Métropolis. «Voilà! C’est parti! Et on va continuer de monter, monter! Et on va aller jusqu’au bout!», s’est-il exclamé plus tard. «Laissez-vous aller! C’est votre moment! C’est vous! C’est nous! C’est vous! C’est nous!»

Doux Jésus. Justement: c’est ce genre de discours motivateur un peu exagéré, couplé aux textes souvent précieux des morceaux de la troupe, qui me porte à comparer Broken Social Scene à du rock chrétien. Les bonnes intentions prennent tant de place. Tant de place! C’en est collant, étouffant.

Mais comment résister à tant de générosité? Drew peut bien jacter tant qu’il veut. Après la première demi-heure, on arrive à plus ou moins ignorer le bonhomme (sauf lorsqu’il chante, bien sûr). On plonge et on profite. De la sono, excellente ce soir-là. De cet indie-rock au cachet pas complètement unique, mais suffisamment personnel, au son étrangement confortable, dense, bonifié ce soir-là par la présence de cinq musiciens de plus que la formation «officielle» version 2010 (Drew, le cofondateur Brendan Canning, l’ex-Bionic Sam Goldberg, la chanteuse Lisa Lobsinger, les batteurs Justin Peroff et Charles Spearin et le guitariste Andrew Whiteman). Parmi ceux-ci, les Montréalais Liam O’Neil (des Stills et moult autres) et Amy Millan (des Stars, enceinte jusqu’aux oreilles, mais fougueuse malgré tout).

On profite aussi de la synergie particulière qui habite la formation. Elle qui semblait plus ou moins absente depuis l’album éponyme de 2005 semble être revenue avec The Forgiveness Rock Record, lancé plus tôt cette année. Cela inclut la qualité des compositions, plus fortes sur le dernier opus (sans égaler le niveau de You Forgot it in People, évidemment), mais aussi la dynamique interne, cet abandon qui a fait la renommée du groupe. Samedi soir, il était palpable, et pas juste dans cette petite manie cute des joueurs de cuivres de tenir leur instrument au bout du bras durant les crescendo. On le sentait dans le jeu de guitare d’Andre Whiteman et Sam Golberg, d’ordinaire stoïques; dans les interventions de Lisa Lobsinger et d’Amy Millan…

Bon, qui dit deux heures trente de Broken Social Scene (car oui, le concert a duré tout ce temps) dit invariablement quelques temps morts, inégalité du matériel oblige (les ballades, notamment, sont rarement à la hauteur). BSS live, c’est par ailleurs moins de guitares que sur disque. Moment malaisant, également, lorsque la troupe a invité sur scène le vétéran montréalais Andy Kim pour jouer un morceau particulièrement endormant: Drew débordait de joie d’annoncer qu’il s’agissait de la première prestation à vie de cette «légende» dans sa ville natale, mais on sentait bien que peu de gens dans la salle connaissaient la «légende» en question. L’homme, il se trouve, a coécrit «Sugar Sugar» des Archies et connu quelques hits dans les années 60. Eh ben…

Et si le programme contenait la plupart des meilleures chansons du groupe (la flottante «Pacific Theme» et KC Accidental, deux extraits de You Forgot it in People, en lever de rideau; la pinçante Texico Bitches et l’intense Forced to Love, deux excellents morceaux du dernier album; Anthems for a Seventeen Year-Old Girl», «Looks Just Like the Sun» , «Almost Crimes», etc.), pas de traces de «Stars and Sons»! Probablement la seule vraie grande chanson de son répertoire! Inconcevable.

Cela dit, tous les éléments étaient là pour que l’effet Broken Social Scene opère avec toute sa force: les chansons, l’exagération, la générosité, les qualités, les défauts… Le kit complet, quoi.

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