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No Fun City: bâillonner le plaisir

Qui ne s’est jamais fait dire de se taire, lors d’une conversation bien arrosée autour d’une clope devant le Salon Officiel? Bien franchement, je ne suis point importunée que l’on censure mes propos ivres lorsque je jase trop fort à une heure du matin sur la rue Roy. À la limite, je trouve raisonnable que ni le doorman, ni les nombreux résidents aux alentours ne veuillent connaître les détails éméchés de ma vie de citadine. Mais qu’est-ce qui arrive quand c’est la culture montréalaise qui se fait dire de la fermer?
 

Le Divan Orange, le Daomé, le Blue Dog, l’Abreuvoir, le Lambi, le Blizzarts, le Saphir… Le Plateau est une source infinie et édifiante de bars-spectacles qui font battre le cœur de la ville, donnent une voix aux artistes émergents, donnent une job aux promoteurs et DJs. Personnellement, je vis sur le Plateau parce que je veux me frotter à toute cette énergie, je veux baigner dans la foule cultivée qui en peuple les rues, je veux rouler jusqu’à chez moi le vendredi soir en me faisant bercer par la pulsation urbaine et fraîche des établissements du quartier. Mais ce n’est pas tout le monde du coin qui pense comme moi.  
 

Depuis cet été, les bars de l’arrondissement dont le bruit extérieur dépasse les 50 décibels de 23h à 7h s’exposent à des amendes allant de 100$ à 12 000$. L’initiative de la ville, surnommée Project Noise, est arrivée sans prévenir et est une réaction aux milliers de plaintes reçues par la municipalité au cours des derniers mois. 12 000$, pour un gros club qui reçoit des milliers de personnes chaque soir, ça fait mal. 12 000$, pour un petit bar underground, ça tue.
 

No Fun City; ou comment éviter de devenir le prochain Vancouver
Bien actuel donc, que le documentaire No Fun City, présenté samedi dans le volet film de POP Montréal. Réalisé par Melissa James et Kate Kroll, la production met en lumière la presqu’impossibilité de développer légalement la scène underground de Vancouver. On y interroge divers promoteurs, propriétaires et artistes passionnés (Japandroids, DOA, 3 Inches of Blood) qui s’y font écraser quotidiennement par des lois rigides sur les permis d’alcool, le bruit et les festivités en général. On y démontre aussi que la scène alternative qui veut évoluer à l’extérieur de la rue Granville (la Sainte-Catherine de Vancouver) doit s’en remettre à des événements illégaux ou secrets, souvent étouffés par des interventions policières. Tente-t-on de faire de Vancouver une belle grosse aire lisse parsemée de quelques gratte-ciels?     
 

Mais c’est ça, le truc. Une ville n’est pas supposée être lisse. Une ville, c’est plein de saleté, de bruit, de vitre et de monde. Et c’est cette imperfection qui fait des villes, surtout des métropoles, le noyau raw, grouillant et vivant des sociétés. Project Noise fera-t-il de Montréal la prochaine No Fun City du Canada?      

 
Nous n’en sommes pas là, mais les Montréalais avides de culture émergente devront se battre pour conserver toute la vitalité de leur scène artistique, comme l’a récemment fait le DJ et producteur Ghislain Poirier dans une lettre ouverte à Gérald Tremblay.
 

Pour conclure, j’aimerais demander aux sensibles auditifs du Plateau: Laval, ça vous tente pas?    

 

No Fun City, présenté dans le cadre de POP Montréal
Samedi le 2 octobre à 20h
Blue Sunshine | 3660, Saint-Laurent
nofuncity.org | popmontreal.com