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Buzzcocks: vestiges solides

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Buzzcocks: vestiges solides

Une soirée bizarre à tout plein de niveaux. À cause de l’âge des protagonistes, disons-le – à 55 piges, Pete Shelley et Steve Diggle ressemblent à nos papas. À cause de la faune bigarrée: vieux fans, anciens punks et jeunes loups encore en plein dans leur trip. À cause de l’alignement: Shelley et Diggle sont les seuls membres originaux à bord, avec deux adjuvants au moins une ou deux décennies plus jeunes à leurs côtés.

Mais surtout, à cause du contexte: peu importe la vigueur de l’interprétation, peu importe la forme dans laquelle les Buzzcocks sont, il y a quelque chose d’éminemment étrange à se faire jouer des brûlots pop-punk de 1978 en 2010; sans la jeunesse, sans l’appétit, sans l’air de l’époque… Oui, leur musique a remarquablement bien vieilli, mais un décalage demeure.

Quoi qu’il en soit, c’était quand même les fucking Buzzcocks! Notons que Shelley, tout en accusant physiquement le coup des années, a encore le timbre alerte, juste et pinçant. Diggle, pour sa part, cache bien son âge en bas des épaules: il frétille comme un gamin. Et avec le programme proposé, mardi au National – l’intégrale de Another Music in a Different Kitchen et de Love Bites, les deux premiers albums du clan – ça ne pouvait pas mal se dérouler. En fermant les yeux, on pouvait facilement revenir 32 ans en arrière.

Après la démonstration de fougue de «Fast Cars», la magie Buzzcocks – ces mélodies aigres-douces si convaincantes; jamais trop pop, mais trop agréables pour le carcan punk – a commencé à opérer avec «I Don’t Mind». Aucune chanson de leur répertoire n’égale cependant «Ever Fallen in Love (with Someone you Shouldn’t’ve)», servie à mi-parcours. Ces couplets épiques, ces harmonies vocales durant le refrain… Assurément le clou de la soirée et l’un des meilleurs morceaux punk jamais écrits!

Quand «Late for the Train» s’est achevée, par contre, il était temps que ça s’arrête. Aussi importants ont-ils été pour l’évolution du genre, les deux opus sondés demeurent inégaux, ponctués de moments sinueux. Heureusement, le rappel a été consacré aux singles pré-Another Music… Les grosses tounes, quoi: «What do I get?», «Promises» et, pour finir, une «Orgasm Addict» particulièrement destructrice! Un peu forcée, la destruction d’un pied de micro par Diggle a semblé faire plaisir aux plus jeunes et fait sourire les plus vieux. Il ne restait plus rien à ajouter.

En remontant vers le nord, j’ai fait un petit détour par le Mile-End pour voir ce qu’il restait du Green Room, détruit dans un incendie le week-end dernier. Il n’y a pas à dire, la musique s’arrête parfois bien brusquement. Aussi surréels soient-ils, ces retours dans le passé comme les Buzzcocks en proposent n’en demeurent pas moins de rares moments de sursis, des petits luxes à déguster.

 

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