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Tout est dans tout: Dramatik, les Junior Boys et Broadcast vont au resto. Julian Casablancas tombe à l’eau. Qui c’est qui reste?
Crédit: Olivier Lalande
Avez-vous entendu Phrazes for the Young de Julian Casablancas? Avez-vous ressenti quelque chose?

Ce que Fred Fortin dit dans notre entrevue avec lui en page 46, à propos de la propension pour l’uniformité, illustre un problème bien réel: tout est identique, tout renferme un peu de tout et tout est parfait. Parce que tout le monde aime un peu de tout et que tout le monde a accès à tout. Tout se peut! C’est beaucoup. Mais on s’en sert pour faire quoi? Rien.

L’album de Casablancas est un bon exemple. On a le parfait petit rockeur qui s’émancipe en tâtant d’un peu d’indie-pop, d’un peu d’électronique Moyens obligent, le tout est admirablement négocié. Les sonorités sont cristallines et la composition, sans failles. Mais que reste-t-il en fin de compte? Pas grand-chose.

On ne parle pourtant pas ici de grosse surproduction noyée dans les overdubs. La facture est sobre, il n’y a pas de fautes de goût. Mais il n’y a pas d’âme non plus. L’album ressemble à la liste iTunes parfaite.

L’accessibilité de la technologie et la diversification de nos goûts auraient-elles surnormalisés les mélanges de genres jusqu’à leur dérober leur charme? Moi qui me suis toujours rangé du côté des bâtards, je me surprends ces temps-ci à préférer la compagnie de ceux qui savent se restreindre. Même au prix de défauts gênants.

Prenez l’album de Dramatik, Boîte noire: une opération pop badigeonnée de lustre, imparfaite, qui s’enlise souvent dans le cheese. Mais que j’ai du fun à écouter. Parce qu’à travers le chrome, l’artiste laisse passer un peu de fougue, d’humanité.

Ou prenez les Junior Boys: un groupe que j’ai toujours préféré sur papier. Son super, chansons moyennes. Mais le 4 novembre, au National, je m’enroulais dans ce son comme dans une couverture. On a là un groupe qui a choisi ses matériaux et qui prend le parti d’en tirer le maximum. Ce son électro-pop minimaliste, limité, devient comme une petite pièce parfaitement meublée, à l’ambiance intime et chaleureuse.

Le 23 octobre, toujours au National, Broadcast a donné un concert dont plusieurs sont sortis avec une moue de dégoût. D’ordinaire accompagné de musiciens, le tandem britannique avait plutôt choisi de mettre l’accent sur ses facettes électroniques et expérimentales. La batterie avait été troquée pour des machines à rythmes primales et les claviers analogiques occupaient tout l’espace. Le duo s’est lancé dans force élucubrations bruitistes, élaborant même une trame sonore en direct pour un fi lm expérimental d’une vingtaine de minutes. Clair, ça n’était pas un concert facile. Mais c’était une occasion rare de regarder un petit bout de Broadcast à la loupe, comme un gros plan sur ses instincts les plus sauvages. Franchement, c’était beau.

C’est le principe du buffet versus la spécialité de la maison. Bien sûr, c’est chouette de remplir son assiette d’un peu de tout, de s’empiffrer. Je préfère quant à moi goûter un mets caractéristique, préparé avec attention, à savoir-faire et amour.

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