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Éthique Urbaine: Les doigts de la main

Moi: «Tu comptes sur les doigts de ta main toutes les personnes avec qui t’as baisées?»

Mon amie imaginaire slut: «C’est ben épais, ton petit jeu! Hey! Ça paraît que t’as passé deux mois au Kazakhstan, t’as vraiment rien à faire! À part ça, j’sais-tu? Y’en a ben d’trop pour que je puisse les compter.»
Moi: «C’est pas grave, c’est pas ça l’affaire. On sait tous que t’es slut… Maintenant, compte sur tes doigts les coiffeurs, stylistes – appelle-les comme ils voudront – qui ont eu le privilège de passer leurs ciseaux dans ta voluptueuse chevelure?»
Amie imaginaire slut: «Pas tant que ça, m’a te dire! Ben coudonc, toé chose, tu marques un point: y’a plus de monde qui a joué avec mes poils de pubis qu’avec mes poils de tête?»
Moi: «Exactement. C’est d’ailleurs mon sujet pour mon Éthique urbaine de juillet.»

Alors qu’il est commun, presque de mise, d’avoir copulé avec at least 50 personnes, tous sexes confondus, avant 25 ans, la seule relation en vertu de laquelle fidélité et exclusivité veulent encore dire quelque chose de concret, c’est celle qu’on entretient avec son coiffeur. Pour plusieurs raisons évidemment. D’abord, parce qu’on lui confie notre atout le plus précieux, celui qu’on porte du soir au matin et du matin jusqu’au soir, le seul attribut qu’on possède et avec lequel on peut faire quelque chose d’instantané et de moins drastique que six mois de gym ou une chirurgie esthétique. On s’en remet littéralement aux mains de notre coiffeur pour se bâtir une identité renouvelée de trendsetter ou de poupoune extensionnée, avec un break d’étudiante intello.

Évidemment, la fidélité ne vient pas à la première date, mais presque. À notre premier rendez-vous, on sort du lavabo avec la serviette sur la tête, timide, en faisant grand état des bonnes recommandations reçues et du pourquoi on se retrouve avec il ou elle précisément. Certes, il y a eu quelqu’un d’autre avant le il ou elle en question, faut s’expliquer, le célibat par choix en ce domaine, est rarement chose du commun. «J’avais envie d’un changement, tu vois, il me semble qu’avec mon…hum…ancien coiffeur, peu importe ce qu’il faisait, après huit jours, j’avais l’air de ça! (là, on pointe des deux index une tignasse hors de contrôle.) Tu vois ce que je veux dire?» Oh que oui, il le voit ! Le coiffeur ou styliste – appelez-les donc comme vous voulez – s’applique généralement en cette occasion, à nous faire jouir par toutes les extrémités. Gros miroir à l’avant, petit miroir en plastique sur les côtés, à l’arrière, we are hooked… et avec ça vient le terrible désagrément de laisser son ancien coiffeur, sujet franchement délicat, s’il en reste un.

Moi: «J’ai laissé coiffeuse X, du salon Y (pour ma sécurité personnelle, je préfère sans contredit taire tous les noms communs et propres et ajoute que TOUT dans cette chronique est fictif).»
Amie imaginaire slut: «Hein T’es malade, elle qui te faisait de si belles coiffures aux partys de Noël! C’était pas ton amie? Comment t’as réussi à faire ça?»
Moi : «Ben, c’est pas comme si je l’ai appelée – Salut! J’te laisse! J’y vais juste pu, j’évite de marcher sur tout un tronçon de la rue Saint-Laurent, pis je sors pu dans les événements mondains, au cas où… Si toutefois, je m’adonne par malheur à la rencontrer, je lui dirai que je me laisse pousser les cheveux jusqu’aux fesses. C’est toute! On va quand même pas virer fou avec ça!»

Avec le temps évidemment, comme dans toute nouvelle relation, le nouveau coiffeur se tanne un peu qu’on lui demande à chaque fois quelque chose de nouveau, de punché. C’est quand même dur de faire accroire aux têtes de caniche, même en leur vendant toutes les crèmes défrisantes existantes, qu’elles peuvent avoir l’air d’un labrador brun on the long run… Le ti-miroir se fait toujours aller, mais ça y tente moins au ti-miroir, on dirait, y’est moins enthousiaste. Et dans un cas comme celui-ci, inutile de penser à un fling ou à rappeler son ex un soir de déprime: on attraperait pas une MTS, mais c’est pire, toute la ville le saurait. Ah fidélité, quand on y est obligés.

LETTRE À MON EX
Chère coiffeuse X. Voilà bientôt deux ans qu’on ne s’est vues, mais je m’en suis jamais parfaitement remise. J’aimerais pouvoir marcher sur Saint-Laurent, les cheveux au vent, insouciante. En parlant d’eux (mes cheveux), je te dis honnêtement que je les laisse pousser depuis maintenant deux ans, mais parfois je les coupe entre les périodes de poussage, quand je suis à l’extérieur du pays (c’est-tu correct ça, des amours de vacances!?!) Le reste du temps, c’est l’abstinence totale. Par contre, si tu gardes ça pour toi, tu pourrais me les coiffer pour les partys en autant que personne ne le sache, car mon abstinence est importante, chus comme rentrée dans une secte qui prône ça. On serait comme des fuck friends, on aurait du fun, pis on prendrait des breaks de cigarettes su’l trottoir? À moins que t’aies arrêté de fumer et ça, ça serait vraiment chiant.